ÉDUCATION – Dans l’Ain, un institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) propose à des jeunes en difficulté de mieux se connaître en enfourchant des vélos.

Des ados de l’ITEP de Varey lors des championnats départementaux de VTT en forêt de Macretet, dans l’Ain, le 4 avril (Sylvain Frappat).

Arbent (Ain), envoyé spécial.

Une bruine glaciale imprègne l’air de la forêt de Macretet, qui s’étale à l’est de la commune d’Arbent (Ain) jusqu’aux confins du Jura. Comparé aux trombes d’eau qui ont douché jusqu’au petit matin la région d’Oyonnax, le climat un brin frisquet qui sévit au cœur de ce havre de sapins est un moindre mal. Surtout pour la centaine d’adolescents sur le point de disputer les championnats départementaux de VTT organisés sur ces sentiers détrempés par l’Union nationale du sport scolaire (UNSS). Au menu, une épreuve de descente et de trial.

Voici vingt bonnes minutes que cette flopée de jeunes vététistes, issus pour la plupart des collèges et des lycées environnants, patiente derrière la ligne de départ de la première manche du jour. Ils sont impatients d’en découdre enfin avec le chronomètre et cette piste escarpée que les pluies diluviennes ont parsemée de flaques de boue. Au loin, on distingue à peine la première épingle qui mène à la ligne d’arrivée. La pente est rude et glissante, mais le jeu en vaut la chandelle. Au bout de l’effort, il y a l’espoir d’une sélection pour les championnats académiques Ain-Rhône-Loire. Alors, cette fois-ci plus qu’une autre, on a peaufiné le réglage des suspensions. Et resserré les protections.

Dans le peloton, l’enjeu de la compétition crispe la plupart des visages. Mais pas celui de Thomas, 11 ans. Un casque rouge et gris recouvre sa bouille impassible. Ce pensionnaire de l’institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Varey et huit autres de ses camarades ont sereinement pris place aux côtés des nombreux participants suréquipés. La descente est pourtant loin d’être une discipline familière à ces adolescents qui présentent, à des degrés divers, des troubles du comportement ou de la personnalité, couplés à des difficultés scolaires, sociales et familiales.

D’ordinaire, c’est en effet sur le terrain à peine vallonné des abords de ce centre de rééducation psycho-pédagogique, basé à 50 km de là dans le château de Varey, qu’ils répètent leurs gammes, encadrés par leurs éducateurs. « On s’est pas mal entraînés. On est prêts », estime le jeune garçon, tandis qu’il fait glisser la chaîne de son vélo sur le grand plateau. Devant lui, les premiers concurrents s’élancent au compte-gouttes.

« Par le biais du VTT, on essaye de leur apprendre à aller au bout de ce qu’ils entreprennent » – Alain Gautret, responsable de l’activité VTT de l’ITEP de Varey

Depuis que cet ITEP, géré par l’association Comité commun activités sanitaires et sociales (CCASS), a décidé de faire du VTT l’un de ses principaux supports de travail et de s’affilier à l’UNSS, une majorité de ses 63 jeunes pensionnaires, âgés de 7 à 16 ans, enfourchent régulièrement leurs montures pour se mêler aux élèves des cursus dits « classiques » engagés dans les épreuves de sport scolaire.

L’institut dispose de ses propres salles de classe, où exercent six instituteurs spécialisés. Ils y dispensent un enseignement adapté, mais tous les enfants n’y sont pas scolarisés. « Ils n’ont pas tous les mêmes difficultés à gommer », explique Florence Vigna, éducatrice spécialisée en charge des 7-10 ans. « Ce sont des gamins qui abandonnent facilement dès lors qu’une difficulté se présente. Par le biais du VTT, on essaye de leur apprendre à aller au bout de ce qu’ils entreprennent », précise Alain Gautret, qui pilote les activités de VTT à l’ITEP.

À 54 ans, cet éducateur spécialisé est l’un des principaux artisans de la belle réputation de cette pratique sportive au sein de l’établissement. Il dit se plaire « à aider ces gosses à devenir des adultes » le temps de leur séjour à l’institut. Lorsqu’il s’implique pour la mise en place de l’activité VTT, il y a quinze ans, Alain Gautret souhaite au départ donner la possibilité à chaque enfant qui entre à l’institut d’être un jour autonome sur un vélo. Aujourd’hui, l’ITEP de Varey se sert également du VTT pour sensibiliser ses petits protégés aux dangers de la route.

« Des anciens jeunes du centre ont eu de graves accidents de scooter. Ça nous a fait réagir. Le VTT, et notamment la discipline du trial, est un outil éducatif intéressant. Les enfants doivent visualiser le parcours, mémoriser les segments et mobiliser leurs ressources pour se surpasser. Au-delà de l’outil, il s’agit aussi de mettre ces gamins au contact de l’extérieur et d’éviter ainsi de les confiner », ajoute-t-il.

Pour Maxime, 14 ans, l’aîné du groupe, le VTT n’est pas seulement venu compléter le travail des éducateurs. L’adolescent affirme y avoir trouvé un espace de respiration. « Le VTT m’a aidé à mieux me connaître. Aujourd’hui, j’arrive davantage à contrôler mes émotions », confie-t-il. Après quatre années passées entre les mains des éducateurs de l’ITEP, Maxime s’apprête à retourner chez ses parents. Désormais, il n’a plus qu’une seule idée en tête : devenir boulanger-pâtissier. Pas seulement pour réaliser son rêve. Une manière de prouver aussi qu’il est désormais capable « d’aller au bout ».

Benoit Pavan

Légende photo : Des ados de l’ITEP de Varey lors des championnats départementaux de VTT en forêt de Macretet, dans l’Ain, le 4 avril (Sylvain Frappat).

Publié dans le cahier Sport&forme de l’édition du 21 avril 2012 du quotidien Le Monde.

L’article en PDF : Des descentes en VTT pour remonter la pente

Lien web : http://www.lemonde.fr/sport/article/2012/04/20/des-descentes-en-vtt-pour-remonter-la-pente_1688058_3242.html

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