EMPLOI – Le plan de sauvegarde de l’emploi lancé en 2021 par le groupe hispano-américain au sein du site de Château-Feuillet s’est achevé, vendredi 1er avril, sans qu’une solution de remplacement à l’arrêt de son activité ait pu être trouvée.

Douze mois d’âpres négociations, menées dans un climat « extrêmement dégradé », n’auront pas suffi à infléchir le souhait de Ferroglobe, producteur mondial de silicium, de fermer l’usine de ferro-alliages pilotée par sa filiale Ferropem en Savoie. Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), lancé en 2021 par le groupe hispano-américain au sein du site centenaire de Château-Feuillet, le seul à produire du siliciure de calcium (CaSi) en Europe, s’est achevé, vendredi 1er avril, sans qu’une solution de remplacement à l’arrêt de son activité ait pu faire l’objet d’un consensus.

Mercredi 30 mars, un accord majoritaire prévoyant notamment seize à dix-huit mois de congés de reclassement pour les 221 salariés de l’usine a cependant été conclu entre la direction du groupe et les représentants syndicaux.

« Nous n’attendions rien de Ferroglobe, qui nous a traités avec mépris et ne nous a rien épargnés », souligne Roger Roelandts, délégué syndical Force ouvrière (FO). « En revanche, si le gouvernement avait tapé du poing sur la table, nos emplois seraient aujourd’hui sauvés. C’est une faute politique grave », estime-t-il, décrivant l’impact psychologique lourd de conséquences de la procédure sur certains ouvriers.

Au sein de l’usine, des salariés déplorent que les syndicats aient cédé à « l’acceptation des licenciements ». « On peut en effet se poser la question de la pertinence de signer un accord qui condamne tout le monde », corrobore Walter Wlodarczyk, membre du comité social d’entreprise. « Cela va faciliter l’homologation du PSE, l’étape qui va conclure la procédure de licenciement. »

Le groupe s’est montré « extrêmement fermé »

Ferroglobe avait annoncé, en mars 2021, la mise en sommeil des deux usines pilotées par sa filiale dans les Alpes et le licenciement de leurs 350 salariés pour focaliser sa stratégie – dans un contexte d’érosion des commandes – sur ses quatre autres sites français, jugés « plus développés, flexibles et compétitifs ».

Huit mois plus tard, le groupe avait finalement mis un terme au PSE engagé auprès des 131 salariés de l’usine des Clavaux, située en Isère, près de Grenoble, après la signature d’un nouveau contrat commercial avec un client historique (l’allemand Wacker) et un accord financier avec l’Etat français.

Persuadés de « l’incohérence » de l’argument économique brandi par Ferroglobe et de la « viabilité » du site savoyard, les syndicats de Château-Feuillet sont parvenus à repousser l’échéance de la procédure, en réclamant les bilans financiers de l’année écoulée prouvant les bénéfices dégagés en France par Ferropem.

En février, ils ont proposé à la direction de Ferroglobe d’ouvrir des discussions autour d’un redémarrage d’activité pour deux des quatre fours de l’usine, avec une partie des salariés en activité partielle et un plan de départs volontaires. Un projet soutenu par la ministre déléguée à l’industrie, Agnès Pannier-Runacher, qui a écrit à la direction de Ferroglobe pour l’inciter à « considérer sérieusement » ce compromis des salariés, balayé « un peu rapidement » d’un revers de main. Néanmoins, le groupe s’est montré « extrêmement fermé », en raison d’un « manque de clients justifiant de produire sur ce site », indique au Monde le ministère de l’Industrie.

« Un immense gâchis »

Pour Roger Roelandts, ce sont « 120 à 140 postes » qui auraient pourtant pu être sauvés grâce à cette proposition. Le syndicaliste estime qu’au regard de « l’explosion actuelle de la demande de silicium », Ferroglobe ne laissera pas cette « poule aux œufs d’or longtemps inactive ». « Techniquement, ils peuvent cependant redémarrer le site au 1er juin 2023, sans nous réembaucher », note-t-il.

A l’occasion d’un entretien avec Agnès Pannier-Runacher, le 22 mars, Marco Levi, le directeur général de Ferroglobe, s’est engagé à garantir la pérennité d’une filière silicium en France, en y maintenant « notamment la production du siliciure de calcium ». Sur ce volet, Ferroglobe a confirmé le transfert, d’ici au premier semestre 2023, de la production de CaSi de Château-Feuillet vers l’usine des Clavaux. L’entreprise va pour cela « sanctuariser une enveloppe de 10 millions d’euros d’investissement », détaille le ministère de l’Industrie.

Selon le cabinet de Mme Pannier-Runacher, le groupe a également donné son accord pour réamorcer durant cinq mois la recherche d’un repreneur pour le site de Château-Feuillet. Dans l’entourage de la ministre déléguée, on assure que le gouvernement restera vigilant quant à la « clarté de l’information communiquée aux concurrents intéressés et à l’absence de manœuvres de dissuasion ».

« Le sentiment est celui d’un immense gâchis. Il faut conditionner les subventions versées à Ferroglobe à la vente du site », insiste Vincent Rolland, député LR de la Savoie. Pour l’élu, qui s’est beaucoup impliqué dans le dossier, il convient également de faire évoluer rapidement la Loi Florange, qui « n’oblige pas les grandes entreprises désireuses de fermer un site à le céder ». « On accompagne des groupes qui ne respectent pas l’emploi local », déplore-t-il. Contactée par Le Monde, la direction de Ferroglobe n’a pas souhaité s’exprimer. Elle a cependant fait savoir qu’elle « communiquerait en temps voulu ».

Benoit Pavan

Légende photo : Des employés en grève de l’usine de ferro-alliages de Ferropem, à Château-Feuillet (Savoie), le 9 décembre 2021 (Philippe Desmazes / AFP).

Publié le 2 avril 2021 sur le site internet du quotidien Le Monde.

Lien web : https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/04/02/ferroglobe-ferme-son-usine-savoyarde-la-seule-a-produire-du-siliciure-de-calcium-en-europe_6120246_3234.html

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